Mascouche, le 8 janvier 2025
M. Patrick Almonor,
Magistrat
En ses bureaux,
Objet : Appel à l’adoption de solutions durables pour renforcer la résilience du Cap-Haïtien face aux inondations
Monsieur le Magistrat,
Je vous adresse cette lettre avec une vive préoccupation et l’espoir qu’une action décisive puisse être prise pour résoudre un problème récurrent : les inondations. Les pluies diluviennes de décembre 2024, qui ont gravement touché des quartiers comme Petite-Anse, Haut-du-Cap, Shada, Fort Saint-Michel et bien d’autres, ont une fois de plus mis en évidence la vulnérabilité de notre ville face aux aléas climatiques. Ces catastrophes ne relèvent pas uniquement de phénomènes naturels, mais résultent également d’une urbanisation anarchique, de la dégradation environnementale et d’infrastructures inadaptées.
Le réseau de drainage existant est largement insuffisant pour gérer les volumes croissants d’eaux pluviales. L’obstruction fréquente des canaux par des déchets et des sédiments accentue les débordements, exposant particulièrement la ville du Cap-Haitien et les quartiers de Petite-Anse, Shada, Fort Saint-Michel, et Haut-du-Cap.
Les bassins versants en amont, essentiels pour réguler les écoulements, sont sévèrement dégradés par la déforestation, l’agriculture non durable et l’urbanisation anarchique. Cette dégradation augmente l’érosion des sols et la charge sédimentaire, qui obstrue davantage les systèmes de drainage en aval.
Les constructions anarchiques sur les pentes des mornes Dèyè Lise, Dèyè Kolèj, etc perturbent les écoulements naturels, fragilisent les sols et augmentent les risques de glissements de terrain, exposant les capois (es) à des dangers imminents.
Ces problèmes, déjà documentés dans plusieurs études comme le Plan de Gestion Environnementale et Sociale (PGES) pour la ravine Zétrié et le bassin Rhodo, le Projet De Développement Municipal et De Résilience (MDUR) ainsi que dans les analyses de Joseph Egentz sur “la chronique d’une ville non préparée au risque d’inondation“, soulignent la nécessité d’une approche durable et structurée pour protéger Cap-Haïtien et ses habitants.
Le Projet de Développement Municipal et de Résilience Urbaine (MDUR), soutenu par la Banque mondiale, constitue une avancée significative pour renforcer les capacités institutionnelles et améliorer les infrastructures résilientes à Cap-Haïtien. Ses objectifs clés comprennent :
- Le renforcement des capacités municipales pour planifier et gérer efficacement les infrastructures urbaines.
- La réduction de la vulnérabilité climatique grâce à des interventions ciblées sur les ravins urbains et les infrastructures hydrauliques, notamment le long de la rivière Haut-du-Cap.
- La mise en place de mécanismes de réponse rapide aux urgences climatiques.
- Une coordination rigoureuse et une gestion efficace des projets pour garantir l’impact et la durabilité des interventions.
Bien que le MDUR constitue une base solide, il est essentiel de le compléter par une approche intégrée et adaptée au contexte spécifique de Cap-Haïtien. En tant que pitit ri 0, citoyen engagé et ingénieur, je propose une stratégie fondée sur des solutions éprouvées et des principes scientifiques pour transformer cette crise en une opportunité durable.
1. Modernisation des infrastructures hydrauliques
- Micro-tunnelage:
Une technologie de creusement souterrain permettant de construire des réseaux de drainage robustes et efficaces. Adaptée aux zones densément peuplées, elle minimise les perturbations en surface tout en augmentant la capacité d’évacuation des eaux pluviales.- Exemple : Construction de canaux souterrains connectés à des bassins de rétention dans les zones critiques comme Shada.
- Canaux modulaires et pompes automatisées :
Installer des canaux de drainage modulaires sous les routes principales et des stations de pompage à haute intensité dans des zones basses comme Petite-Anse pour évacuer rapidement les eaux stagnantes vers des exutoires naturels.
2. Gestion environnementale des bassins versants
- Reforestation et stabilisation des pentes :
Planter des arbres et des végétaux locaux sur les pentes des mornes pour réduire le ruissellement, stabiliser les sols, et limiter l’érosion.- Exemple : Programmes communautaires de plantation dans les ravines Zétrié et Rhodo.
- Création de bassins de rétention naturels :
Aménager des retenues d’eau en amont pour capter les eaux pluviales, réduire la vitesse des écoulements et prévenir les inondations dans les zones urbaines.
3. Régulation et éducation communautaire
- Planification urbaine stricte
Introduire des réglementations interdisant les constructions dans les zones à risque et assurer leur application stricte. Relocaliser progressivement les populations vivant dans les mornes à haut risque vers des habitats sécurisés. - Sensibilisation communautaire
Informer et éduquer les habitants sur la gestion des déchets, la préservation des bassins versants et les risques liés à l’urbanisation anarchique. - Normes de construction parasismiques et résistantes aux inondations
Introduire des standards de construction adaptés au contexte climatique et géographique de Cap-Haïtien. - Développement et utilisation d’une carte des zones inondables
Créer une carte dynamique basée sur des données scientifiques pour identifier les zones à risque, l’intégrer à la planification municipale et la diffuser aux communautés et autorités pour une meilleure gestion des risques et sensibilisation.
Cap-Haïtien n’est pas un cas isolé. Les défis auxquels notre ville fait face ont été rencontrés et surmontés dans d’autres régions du monde grâce à des approches intégrées et éprouvées. Manille (Philippines) et Medellín (Colombie) sont des exemples concrets où des solutions similaires ont été mises en œuvre avec succès. À Manille, le micro-tunnelage et les infrastructures hydrauliques modernes ont renforcé la capacité de drainage dans des zones urbaines densément peuplées, tandis que des campagnes de reforestation ont stabilisé les bassins versants. De même, Medellín a combiné des programmes de reforestation, la création de bassins de rétention naturels, et la régulation stricte de l’urbanisation pour réduire drastiquement les inondations et les glissements de terrain.
Monsieur le Magistrat, l’histoire nous jugera non sur l’ampleur des défis auxquels nous faisons face, mais sur notre capacité à agir avec détermination pour les surmonter. En tant que leader actuel de notre ville et ancien membre de la Jeune Chambre Internationale, vous avez l’opportunité unique de poser les fondations d’un chantier historique, destiné à sauver notre ville et à protéger ses habitants des inondations récurrentes.
En initiant ces actions dès aujourd’hui, vous pouvez non seulement répondre aux urgences climatiques actuelles, mais également inscrire votre mandat dans une dynamique de transformation durable et de résilience pour les générations futures. Lancer ce grand chantier serait un acte visionnaire qui placerait Cap-Haïtien comme un modèle de résilience en Haïti et dans les Caraïbes.
Avec l’espoir que ces propositions trouveront écho dans vos priorités, je vous remercie pour votre engagement envers le bien-être de notre ville et de ses habitants.
Cordialement,
Calvens Joseph, ing., M.ing
Un capois engagé et concerné
Crédit photo : https://www.haitianinternet.com/