Le plan de prévention sismique de 10 millions de dollars du gouvernement de Martelly/Lamothe pourrait-il sauver la population capoise face à un imminent « 12 janvier » ? – Calvens Joseph, B. Ing , CPI

Spread the love

Le tremblement de terre du 12 janvier 2010 qui a eu lieu à Port-au-Prince aurait pu passer au Cap-Haitien. Le Cap et Port-au-Prince sont les deux villes du pays les plus vulnérables et les plus exposées aux risques sismiques à cause de leur situation géographique. Elles se trouvent toutes deux sur des failles sismiques et ont été aussi détruites par des séismes par le passé dans les années 1751, 1771, 1842, 1887, 1904 et 1946.

En mars 2012, le gouvernement des Tèt Kale mis en place par le Président Martelly entre 2011 et 2016 voulant jouer la carte de la police de la prudence et de la prévention pour éviter que le Cap ne subisse le même sort que Port-au-Prince ou encore le pire, a lancé officiellement de concert avec le PNUD lors d’une cérémonie formelle à l’hostellerie Roi de Cap-Haïtien le :« PLAN DE REDUCTION DES RISQUES SISMIQUES DANS LE NORD » . Ce plan d’une enveloppe budgétaire de 10 millions USD financée par le Fonds de la Reconstruction d’Haïti (FRH) a d’abord pour objectif principal de réduire la vulnérabilité des départements du Nord-Est, du Nord et du Nord-Ouest face à la menace sismique en renforçant la résilience des infrastructures et des populations dans le but de minimiser les pertes économiques et humaines lors d’évènements futures. Il a donc pour objectifs spécifiques :

  • Quantifier la menace sismique par le micro-zonage des 4 grandes villes du grand Nord et les villes secondaires principales, évaluer la vulnérabilité du bâti et des infrastructures et les classifier en fonction de l’enjeu associé (économique, humain, stratégique) ;
  • Identifier les infrastructures à fort enjeu (hôpitaux, bâtiments publics, écoles, ponts, centrales d’énergie, etc.) et proposer des solutions budgétisées pour le renforcement structural des infrastructures prioritaires à fort enjeu ;
  • Former les professionnels de la construction aux pratiques parasismiques, des maçons aux ingénieurs, du secteur public et privé et inclure la connaissance des séismes et des mesures de réduction de vulnérabilité dans les curricula scolaires et la formation des enseignants ;
  • Renforcer les capacités des communes et des départements pour la gestion sismique

Dix ans plus tard, le budget alloué et les objectifs dudit plan seraient-ils capables de mettre le Cap-Haitien à l’abri d’un éventuel 12 janvier ?

L’insécurité physique récurrente à Port-au-Prince a fait du Cap le terrain le plus propice et approprié du pays pour des activités culturelles et pour des affaires. Cependant, du point de vue géographique, géophysique et du cadre bâti ce terrain est plus que vulnérable.  Cette ville est non seulement située le long de la faille active dite « Septentrionale », mais ladite faille est responsable du séisme de magnitude 8 de 1842 accompagné d’un tsunami qui avait causé la mort de la moitié de la population capoise. Une grande partie de la zone urbaine et péri-urbaine est située sur des sols mous ou très mous avec de forts effets de site lithologique sur de vastes étendues (Rapport micro-zonage du Cap et du plan de prévention).

Le développement et l’étalement urbains continuent de progresser exponentiellement sans considération aucune de la sismicité de cette ville magique et des risques y encourent. Des maisons avec des fondations uniquement en maçonnerie de roches sont construites sur des pentes brutes des flancs des mornes du côté de Sentfilomèn, Dèyè Kolèj, Dèyè Tchotcho, Dèyè Lise, Labori etc. De Barrière Bouteille jusqu’à Carénage de nouvelles structures de bâtiment (écoles, commerces, églises etc.) sont érigées sur des anciennes  sans tenir compte de la capacité portante et sismique de ces dernières. Le pire ce sont des maisons vétustes  construites avec des matériaux de mauvaise qualité.

Vu l’état déplorable dans lequel le Cap continue de patauger, ce < PLAN DE REDUCTION DES RISQUES SISMIQUES DANS LE NORD> devrait à tout prix et sans délai être modifié et réadapté aux réalités des dangers actuels auxquelles la ville du Roi Henri Christophe est exposée. Ce plan est plus préventif que réactif.

Le Cap a besoin sine qua non d’un plan de réhabilitation sismique à court et à long terme. Le plan sismique, à court terme, devrait être plus technique, plus restrictif et plus exigeant. Ce plan devrait avoir comme objectif général: la réhabilitation et le renforcement sismiques des bâtiments existants (institutionnels, commerciaux et résidentiels lourds) avec les taux d’occupation les plus élevés. Et pour objectifs spécifiques : la reconstruction du Pont Neuf pour maintenir la communication permanente entre le centre urbain et  de  Lòt Bò Pon, l’exigence de l’application stricte du Code National du Bâtiment Haïtien (CNBH) 2012 ou tout autre code de construction autorisé par le Ministère des Travaux Publics et du Transport et de la Communication (MTPTC), la définition des points de ralliement et de la route d’évacuation pour faciliter l’évacuation de la population en cas de tsunamis.

Le plan de prévention actuel pourrait être considéré comme le plan permanent avec d’autres objectifs plus poussés tels que cités ci-dessus en l’occurrence l’installation d’un laboratoire et une chaire recherche en mécanique des structures et du sol, des cours de génie parasismique et de géologie appliquée etc. à l’Université de Limonade. Des capteurs intelligents connectés aux réseaux mobiles qui sont capable d’alerter la population capoise en cas de tsunamis.

La nature semble accorder un moratoire aux gens du nord. Elle est encore très clémente et très calme mais cependant le processus temporel des mouvements des plaques tectoniques ne s’arrête pas.  Du jour au lendemain un séisme de magnitude de 8.2 souvent annoncé par les experts pourrait frapper aux portes des capois (es). Selon un article du journal en ligne Haitilibre 14 séismes de magnitude de moins 5 ont frappé Cap-Haitien pour l’année 2022. Jusqu’à ce moment présent, la nature offre une possibilité en or aux dirigeants haïtiens de ne pas répéter la même erreur du 12 janvier 2010. Toutes les conditions sont réunies pour que le Cap s’enfonce sous les décombres. La majorité des sols des zones communément appelées nan Site Lòt Bò Pon et nan Site Lòt Bò Baryè seront liquéfiés et les maisons qui s’y trouvent dessus seraient effondrées. Des pertes en vie humaine et des dégâts matériels seraient considérables selon l’échelle de l’intensité de Richter. Ce n’est pas une prophétie, il suffit juste de lire le rapport du micro-zonage du Cap, le mémoire de l’agronome Egentz Joseph Pierre  et tant d’autres études scientifiques qui y sont connexes.

Une étude sur la vulnérabilité des zones côtières face aux tsunamis, l’exemple d’Hispaniola, a été faite par Eric David, Christophe Collet et al. Ils ont utilisé la méthode et le modèle d’Okada pour simuler un tsunami au Cap-Haitien. Le scénario des vagues provoquées par la faille proche NHTF est le scénario le plus rapproché des prévisions de l’éventuel tsunami  avec une remontée de 12 m d’élévation maximale alors que la hauteur moyenne des maisons situées près de cette zone côtière ne dépasse pas 8 m.

Tout compte fait, l’idée de cet article n’est pas d’effrayer la population capoise mais d’abord  de les rappeler les dangers auxquels ils sont exposés quotidiennement ensuite les susciter à exiger aux autorités concernées de prendre toutes les dispositions nécessaires pour protéger leur vie. C’est la responsabilité de l’Etat Haïtien de protéger la vie de tous les citoyens vivant sur cette terre de Dessalines. Il faut malgré tout, saluer les efforts de M. Pascal Adrien à garder ce débat public en vie dans le département et tant d’autres jeunes capois (es) d’une façon ou d’une autre. Ce n’est pas suffisant mais c’est utile car plus les jours passent plus les gens sont exposés au prochain 12 janvier.

Bibliographies et webographies

Haïti – Environnement : La terre a tremblé 1,451 fois en Haïti en 2022 – HaitiLibre.com : Toutes les nouvelles d’Haiti 7/7

LANCEMENT DU PLAN DE REDUCTION DES RISQUES SISMIQUES DANS LE NORD. | Fonds de Reconstruction d’Haiti (haitireconstructionfund.org)

Le Nouvelliste | Cap-Haitien-Séisme : Un grand danger… un grand laisser-aller

Cap-Haïtien (Haïti) sous eau : chronique d’une ville non préparée au risque d’inondation Egentz JOSEPH

Seismic Microzoning of Cap-Haïtien: Effects of site and Liquefaction Site classification and zoning: Didier Bertil, Agathe Roullé

Une étude sur la vulnérabilité des zones côtières face aux tsunamis, l’exemple d’Hispaniola : Eric David, Christophe Coulet et al.

MICT-PNUD Haiti-Plan de Prévention Séisme pour le Grand Nord d’Haiti-Version finale-8 Mai 2011

Source image: Plan de Prévention Séisme pour le Grand Nord d’Haïti: – ppt video online télécharger (slideplayer.fr)

2 thoughts on “Le plan de prévention sismique de 10 millions de dollars du gouvernement de Martelly/Lamothe pourrait-il sauver la population capoise face à un imminent « 12 janvier » ? – Calvens Joseph, B. Ing , CPI”

  1. Très bel article. Maintenant il faut trouver une stratégie pour faire bouger les choses dans la bonne direction.

  2. Merci de relancer le débat. L’Etat a beaucoup à faire pour mitiger les dégâts. Il faut penser à des séances de simulations dans les écoles, églises etc.. pour éduquer la population sur les comportements à adopter pendant/après. Des spots à la radio, sur les réseaux sociaux…

Comments are closed.